Typologies

BLANCHIMENT DE CAPITAUX RESULTANT DU TRAFIC DE PRODUITS PHARMACEUTIQUES CONTREFAITS

RESUME ANALYTIQUE 

La  présente  étude  vise  à  comprendre  la  nature  et  l’ampleur  du  phénomène  du blanchiment  de  capitaux  découlant  de  la  contrefaçon  de  produits  pharmaceutiques  en  Afrique de l’Ouest.  La méthodologie employée a impliqué la sélection de quatre pays (à  savoir :  la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Sénégal et le Togo) aux fins d’une étude approfondie au niveau national,  tout  en  remettant  aux  autres  pays  un  questionnaire  auquel  ils  ont  répondu.  À  partir des  rapports  pays  et  des  réponses  fournis  par  les  États  membres  au  questionnaire,  et  des études de cas fournies par les autorités d’enquêtes et de poursuites pénales, le lien entre le blanchiment de capitaux (BC) et la contrefaçon de produits pharmaceutiques a été analysé.

Les termes  médicaments, médication, produits pharmaceutiques et préparation médicamenteuse sont généralement utilisés de façon interchangeable pour faire référence aux produits  médicaux  destinés  à  une  utilisation  prophylactique,  diagnostique  ou  thérapeutique. C’est cette acception qui est retenue dans ce rapport.

Le trafic de produits pharmaceutiques contrefaits s’est développé de façon fulgurante ces  dernières  années ;  ce,  en  dépit  d'une  règlementation  rigoureuse  qui  encadre  le  secteur pharmaceutique dans tous les pays. L’une des principales causes de cet essor, notamment en Afrique de l’Ouest,  reste sans conteste les profits colossaux engrangés par les trafiquants et autres acteurs des réseaux d’importation,  de  stockage,    de  distribution  et  de  vente.  Cette manne financière permet aux réseaux criminels de s’organiser, de financer leurs activités, de se  diversifier  en  investissant  dans  d’autres  activités  illicites  génératrices  de  revenus  et, probablement  de  corrompre  le  personnel  chargé  des  enquêtes  et  des  poursuites  pénales,  en particulier aux frontières, afin de s’assurer une certaine impunité. Afin de consolider cette impunité et d’apparaître comme des acteurs respectables de développement, ces criminels essaient de réinvestir leurs produits illicites dans la création d’activités légales. 

Le placement, la superposition et l’intégration des produits  générés  à  partir  du  trafic des  produits  pharmaceutiques  contrefaits,  à  travers  des  montages  financiers  parfois  très simples, constituent des risques énormes susceptibles d’affaiblir les dispositifs de LBC/FT mis en place au sein des pays de l’Afrique de l’Ouest. C’est sur cette base qu’il est apparu nécessaire  de  faire  une  étude  de  typologies  pour  appréhender  les  techniques  et  méthodes  du blanchiment des profits liés au trafic de produits pharmaceutiques contrefaits. Le but est d’en appréhender l’ampleur, ses manifestations et spécificités dans la région, et de formuler des recommandations  pratiques  visant  à  permettre  aux  parties  prenantes  de  prendre  des  mesures de lutte.

La revue et l’analyse de la littérature disponible indiquent que le trafic des produits pharmaceutiques contrefaits est un phénomène mondial. Les pays asiatiques, en particulier la Chine  et  l’Inde,  constituent  les  principaux  emplacements  de  la  fabrication  des  produits pharmaceutiques contrefaits. L’exportation  qui  en  résulte  s’explique  par  les  profits extrêmement  importants  que  cette  activité  génère  aussi  bien  pour  les  importateurs  que  pour tous  ceux  qui  interviennent  dans  les  circuits  de  distribution.  Le  marché  africain  apparaît comme  étant  un  consommateur  privilégié  pour  ce  trafic.  En  effet,  ce  marché  absorbe  une bonne  partie  de  la  production  mondiale  et  expose  ainsi  les  populations  locales  à  des  risques sanitaires. 

 

En Afrique de l’Ouest, les ports de Lagos, de Cotonou, de Lomé, d’Accra-Tema et de Conakry sont des points d’entée de référence des produits pharmaceutiques de contrefaçon. En raison de la porosité des frontières, les produits de contrefaçon sont aisément acheminés vers d’autres pays dans la région. En outre, la falsification du conditionnement des médicaments rend difficile la détection des produits de contrefaçon par les autorités nationales compétentes. La corruption du personnel en charge de la réglementation et de la répression criminelle, son manque de formation et de spécialisation, l’insuffisance de ressources disponibles pour la prévention et la répression criminelle, la taille du secteur informel, le taux d’analphabétisme et la difficulté d’accès aux soins médicaux conventionnels, constituent autant de vulnérabilités qui  sapent  les  efforts  visant  à  combattre  la  contrefaçon  de  produits  pharmaceutiques.  Des milliers, sinon des millions de personnes sont impliquées dans le trafic de produits pharmaceutiques  de  contrefaçon  et  s’en  servent  pour  développer  une  économie  parallèle comme source de revenu illicite. Cet argent sale est régulièrement blanchi au sein de la région à travers diverses activités informelles qui offrent des possibilités infinies. 

Les cas examinés ont aussi illustré que les produits illicites générés à partir du trafic de produits  pharmaceutiques  de  contrefaçon  sont  également  blanchis  par  le  biais  de  canaux traditionnels de l’économie formelle. Il a souvent été observé que le revenu généré par le biais du  commerce  de  produits  pharmaceutiques  de  contrefaçon  est détaché de l’origine desdits produits, en particulier par le transfert alternatif de fonds, en vue de réinvestir les fonds dans des activités légales.

Par  ailleurs,  les  dispositifs  juridiques  et  institutionnels  visant  à  lutter  contre  le  trafic des  produits  contrefaits  sont  peu  dissuasifs pour freiner l’essor de cette activité illicite aux conséquences  néfastes  pour  la  santé  publique  des  populations  locales  et  pour l’intégrité des systèmes économique et financier de la région ouest-africaine.  

Les constatations clés de l’études sont comme suit :

Le  trafic  de  produits  pharmaceutiques  de  contrefaçon  est  généralisé  en  Afrique de l’Ouest et est réalisé de trois façons, à savoir : les importations provenant de l’extérieur de la région, en particulier de la Chine et de l’Inde ; la redistribution au sein de la région, en recourant à des pays cibles faciles comme entrepôts ; la fabrication locale/le reconditionnement/l’exportation et la réexportation vers des pays situés à l’extérieur de la région ;

Il n’existe pas d’engagement politique fort de la part des autorités politiques de haut niveau pour lutter contre le trafic de produits pharmaceutiques de contrefaçon ;

 Les  cadres  juridiques  de  la  plupart  des  pays  sont  limités,  créant  ainsi  des vulnérabilités que les criminels exploitent ;

 

La  majorité  des  acteurs  impliqués  dans  la  lutte  contre  le  trafic  de  produits pharmaceutiques de contrefaçon ne dispose pas de connaissances et de compétences suffisantes pour travailler de manière efficace ;

L’économie  informelle  et  sa  nature  basée  sur  des  opérations  en  espèces constitue  une  vulnérabilité  clé  dans  le  trafic  de  produits  pharmaceutiques  de contrefaçon ;

La corruption a une très forte prévalence chez les agents chargés de lutter contre la problématique, ce qui crée une impunité pour les criminels ;

Les  réseaux  et  associations  des  personnes  impliquées  dans  le  trafic  de  produits pharmaceutiques contrefaits sont similaires ou mieux organisés que les réseaux des personnes impliquées dans une activité licite ;

Il existe dans l’industrie pharmaceutique des praticiens agréés ainsi que des praticiens  non  agréés,  toutes  ces  deux  catégories  sont  impliquées  dans  des activités illicites;

De fortes sommes d’argent sont générés et blanchis par le truchement du trafic de  produits  pharmaceutiques  de contrefaçon  tel  qu’indiqué  par  un  certain nombre d’études de cas. Malheureusement, aucune estimation n’a pu être faite à  partir  de  la  présente  étude.  Cette  situation  est  largement  due  au  fait  que  les autorités compétentes ne ciblent pas l’argent ou les avoirs dans leurs enquêtes.

Sur la base des constatations de l’étude, un certain nombre de recommandations à court,  moyen  et  long  terme  ont  été  formulées.  Au  nombre  de  celles-ci,  l’on  compte  la nécessité  d’une  collaboration  et  d’une  coopération  efficaces  tant  aux  niveaux  national qu’international.  Les  responsables  en  charge  de  la  répression  criminelle  ainsi  que  de  la réglementation  impliqués  dans  la  lutte  contre  les  produits  pharmaceutiques  de  contrefaçon doivent bénéficier d’une formation suffisante. Certaines mesures de contrôle financier, telles que la vigilance renforcée et le contrôle continu des activités financières doivent être mises en place pour le secteur. Les pays doivent également réorganiser la façon dont le secteur est géré en termes de suivi, de retraçage et en codage de produits légitimes. Par-dessus tout, l’environnement juridique doit être renforcé, afin de dissuader les criminels.

Le  GIABA espère que les pays au nom desquels l’étude a été menée trouveront le présent  rapport  utile.  De  même,  l’on  espère  que  d’autres  parties  prenantes  le  trouveront pertinent et utile au point de s’en servir pour dialoguer avec les pays de la région, dans le but de  leur  apporter  un  soutien  propre  aux  dits  acteurs  dans  la  lourde  tâche  consistant  à  lutter contre le trafic de produits pharmaceutiques de contrefaçon.

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