Typologies

BLANCHIMENT DE CAPITAUX, FINANCEMENT DU TERRORISME ET FLUX FINANCIERS ILLICITES LIES A LA CRIMINALITE MARITIME DANS LE GOLFE DE GUINEE

RESUME ANALYTIQUE

 

1.  Le Golfe de Guinée (GdG) est une partie de l’océan Atlantique qui s’étend du Sénégal à l’Angola et couvre environ 2 874 milles marins de côtes. C’est une zone maritime importante pour le transport de pétrole et de gaz ainsi que de marchandises à destination et en provenance de l’Afrique et du reste du monde. Environ 20 000 navires circulent dans les eaux maritimes du golfe de Guinée par an, et les conditions météorologiques ne sont pas extrêmes. C’est un espace maritime également riche en hydrocarbures, poissons et autres ressources, ce qui en fait un potentiel immense pour le commerce maritime, l’extraction des ressources, le transport maritime et le développement.

2.  Il est de notoriété publique que la mer constitue le véritable théâtre de l’économie mondiale. En effet, 90% du commerce réalisé à travers le monde est facilité par les voies de navigation maritime. De plus, trois quarts (3/4) de la Planète est occupé par les océans. C’est pourquoi, la problématique de la sécurité en mer demeure au centre des objectifs du développement durable. Malgré tous les efforts, le Golfe de Guinée continue d’être aux prises avec l’insécurité. Selon le Bureau Maritime International (BMI), Soixante-cinq (65) incidents de piraterie et de vols à main armée contre des navires ont été enregistrés au cours du premier semestre 2023, soit une augmentation par rapport aux 58 incidents survenus au cours de la même période en 2022. Sur les 65 incidents signalés, 57 navires ont été arraisonnés, quatre (4) ont fait l’objet d’une tentative d’attaque, deux (2) ont été détournés et deux (2) ont essuyé des tirs. Au cours de la même période, les violences à l’encontre des équipages se poursuivent avec notamment 36 prises d’otages et 14 enlèvements.

3.  Les produits générés par la criminalité maritime pourraient constituer dans une très large mesure une source de facilitation et d’approvisionnement des bandes criminelles organisées pour étendre leurs réseaux et faire prospérer leurs activités délictueuses en mer et sur la terre. Et pourtant, peu d’études jusque-là avaient été conduites pour explorer les liens entre les flux financiers associés et la criminalité maritime, et pour proposer des contre-mesures appropriées. La présente étude, entièrement financée par l’Union Européenne (UE) dans le cadre du 11e FED, se veut une tentative dans ce sens. Elle ambitionne d’être une contribution importante au projet de soutien à la sécurité maritime intégrée de l’Afrique de l’Ouest (SWAIMS)1, en suscitant une conscience maritime autour de la nécessité de prioriser la confiscation des produits et instruments de l’infraction maritime, et le démantèlement des groupes opérant en réseaux.

4.  En résumé, les résultats de cette étude qui s’est basée fortement sur l’expertise du GIABA, de ses Etats membres et du réseau global des acteurs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, découvrent une faible mise en œuvre des cadres juridiques existants en matière de sécurité et de sureté maritime, mais surtout un manque notoire de coopération interministérielle et de collaboration inter-agences. Non seulement, cela affaiblit le potentiel de détection des activités criminelles en mer, mais rend plus difficile le repérage de l’origine des fonds générés par ces activités, qui peuvent être cachés dans des comptes offshore complexes ou déplacés à travers plusieurs juridictions.

5.  Le présent rapport présente un état des lieux dans six (06) pays du Golfe de Guinée à savoir : Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée Bissau, Nigéria et Togo. Il espère néanmoins, grâce aux conclusions et recommandations pertinentes qu’il contient, inspirer tous les autres pays côtiers de la région.

 

6.  Ce rapport régional montre, à peu près, que la plupart des actes illicites commis partiellement ou totalement en mer génèrent des revenus à leurs auteurs. Il a le mérite de s’attarder sur la faiblesse des réponses juridiques, institutionnelles et opérationnelles à la criminalité maritime, de même que sur l’absence de partenariat public et privé pour venir à bout de ce phénomène. A la lumière des défis et vulnérabilités identifiés à travers une revue documentaire et une analyse approfondie des études de cas présentées par les pays, les recommandations suivantes ont été formulées :

Les Etats membres côtiers du GIABA doivent, entre autres :

 

·  Procéder à une évaluation sectorielle des risques pour déterminer dans quelle mesure les criminels peuvent utiliser à mauvais escient leurs secteurs financier et non financier dans le but de dissimuler et blanchir des gains provenant de la criminalité maritime et d’appliquer des mesures d’atténuation.

·  Élaborer ou mettre à jour les stratégies nationales en matière de sûreté et de sécurité maritimes afin de veiller à ce qu’elles associent de manière appropriée la Cellules de Renseignement Financier (CRF) et les autres acteurs concernés en matière de LBC/FT. Se doter d’un document de politique nationale de lutte contre toutes les formes de crimes commis en mer.

·  Réviser les stratégies nationales de LBC/FT existantes pour y intégrer les professionnels de la mer et tous les intervenants directs dans la sécurité et la sûreté maritime.

·  Mener des réformes législatives pour s’assurer que toutes les formes de criminalité maritime sont incriminées conformément aux normes internationales acceptables, notamment la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer (CNUDM).

·  Définir, par le biais de lois, de règlements ou de toute autre directive pertinente, les mécanismes par lesquels les principales agences et institutions maritimes collaboreraient avec les cellules de renseignement financier afin de faciliter la surveillance du secteur et de créer une routine d’échange d’informations à des fins de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

·  Sensibiliser tous les acteurs exerçant dans les secteurs portuaires et maritimes afin qu’ils puissent appliquer strictement les normes du GAFI en tant qu’outil efficace permettant de lutter contre le blanchiment des capitaux provenant de la criminalité maritime.

·  Soutenir les systèmes d’archivage dans toutes les agences maritimes et développer un mécanisme de partage spontané ou d’accès systématique aux informations par les Cellules de Renseignement Financier (CRF) et les autorités d’enquêtes et de poursuites pénales.

·  Renforcer les capacités opérationnelles des autorités d’enquêtes et de poursuites pénales à détecter les formes de criminalité maritime et à mener les enquêtes financières parallèles.

·  Adopter une politique pénale spécifique en matière de LBC/FT permettant de systématiser les enquêtes conjointes, les enquêtes financières, la confiscation et le recours à la coopération régionale et internationale.

·  Doter les agences de lutte contre la criminalité maritime de moyens d’intervention rapide (moteurs de grande puissance) et d’équipements de pointe (drones) ;

·  Mettre en place un système d’alerte et de dénonciation des actes de corruption dans le milieu maritime assortis d’un régime de protection des dénonciateurs.

·  Renforcer le pouvoir et les responsabilités des agences maritimes compétentes pour s’assurer qu’elles contribuent aux efforts de détection des flux financiers, d’enquêtes et de poursuite en matière de LBC/FT.

·  Prendre les mesures adéquates pour garantir la confiscation de tous les produits issus d’activités criminelles (y compris celles commises en mer) et les biens de leurs auteurs (comptes bancaires, biens immobiliers et autres biens de valeur) lorsque la culpabilité de ceux-ci est établie ;

·  Continuer et intensifier les formations des acteurs de la chaîne pénale (OPJ, Secrétaires de Parquets, Personnels de greffe et Magistrats) pour les préparer à agir en réseau avec de nouvelles méthodes de travail et des techniques spéciales et innovantes d’enquêtes.

·  Renforcer les capacités des agences maritimes chefs de file en matière d’enquêtes financières et de tous les tribunaux maritimes en matière de LBC/FT.

·  Établir des cadres juridiques et des mécanismes institutionnels pour coordonner plus efficacement l’utilisation de la coopération internationale dans les enquêtes et les poursuites relatives au BC/FT liés à la criminalité maritime.

·  Instituer un mécanisme de contrôle et de supervision règlementaire des entreprises maritimes privées et de leurs activités pour s’assurer que celles-ci sont conformes au droit de la mer.

·  Assurer un suivi au-delà du projet de l’UE pour soutenir la création d’un Forum régional des agences maritimes chefs de file pour l’échange d’informations et de connaissances sur les questions émergentes critiques relatives à la LBC/FT.

·  Explorer l’opportunité de créer un tribunal régional du droit de la mer pour se consacrer à la poursuite en matière de criminalité maritime des actes commis dans l’espace marin du Golfe de Guinée.

 

 

Attachements

Recent